Enfant, j’ai vécu sur les rivages de l’Atlantique africain. De mes premiers jours de Toubab dans les rues dakaroises, je me souviens des motifs du petit pagne de bazin que ma mère m’avait trouvé à l’ombre d’une échoppe de la Médina. Dans les années qui ont suivi, j’ai continué de la suivre sur les marchés pour choisir les tissus que nous donnerions à la couturière du quartier afin qu’elle nous confectionne quelques tenues d’école.
Je me souviens aussi l’avoir attendue de longues heures (mais peut-être le temps paraissait plus long pour une enfant impatiente) dans le fond de la boutique de cette créatrice franco-sénégalaise qui lui présentait des tailleurs aux lignes épurées et aux motifs graphiques dans des étoffes de pagnes tissés dont j’aimais l’aspect brut et le tombant épais qui rappelait les bogolans que mon père rapportait de Bamako. Une vingtaine d’années plus tard, je ne couds ni wax ni bazin…j’aurais honte d’affadir le chatoiement de ces tissus avec ma peau de blanc-bec. Mais je garde pour les étoffes et les imprimés du continent d’ébène une tendresse particulière…et en découvrant le motif tachiste du nouveau tissu édité par Motif Personnel, « À fleur de peaux », j’ai eu envie de retrouver devant ma machine à coudre, l’épure graphique et chatoyante de la hype sénégalaise. Évidemment pour les photos, on repassera….il a fallu se rendre à l’évidence et remplacer l’alizé maritime qui balaye encore Dakar à cette période par les premières giboulées d’un printemps parisien.
J’ai choisi la veste Bernadette (de République du Chiffon) pour mettre en valeur mon bel imprimé parce que je pensais qu’une coupe simple était la mieux à même de mettre en valeur ces motifs de pelages complexes et parce que j’avais envie de pouvoir matelasser mon modèle et de retrouver l’aspect des sacs matelassés de coton que l’on trouvait sur les étals du village artisanal de Soumbedioune.
(Je suis désolée : sur certaines photos ma robe et notre amie Bernie sont un peu froissées…je n’ai pas échappé à l’averse et l’humidité a marqué les plis de ma tenue).
Je ne couds pas souvent du République du Chiffon. Oh, ce n’est pas que ces patrons ne me plaisent pas ! Bien au contraire, je craque à chaque fois pour l’ensemble des collections pochettes lancées pour Géraldine. Sur le papier donc, les patrons de cette marque me plaisent beaucoup. J’aime la patte rétro-bobo-moderne des lignes républico-chiffonesques…mais une fois le patron en main, je suis rattrapée par l’implacable réalité : certains des modèles de République ne sont pas les plus flatteurs pour une morphologie comme la mienne. Marthe, ce modèle de blouse dont j’aime tant les emmanchures raglans, les fronces élégantes, dont je trouve qu’il va merveilleusement à beaucoup d’entre vous…me donne immanquablement l’air d’un sac à patates mal dégrossi. Bref, j’aime beaucoup ces patrons mais je dois avouer que mon bonnet E ne s’en accommode pas toujours.
Et voilà que je digresse, encore. Le but de mon propos était juste de célébrer les talents de styliste et de modéliste de Géraldine.
Si vous n’avez pas « encore » cousu Bernadette-la-fort-chouette et que vous vous demandez comment la matelasser, deux options s’offrent à vous. Trouver de la ouatine, en mercerie ou sur internet ou utilisez un molleton dont vous n’aimez pas la couleur et dont vous ne vous servirez jamais. Il se trouve que j’avais quatre mètres de molleton prune sous la main. ( Là vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai acheté quatre mètres d’un molleton dont la couleur ne me plaisait pas : c’est une excellente question. Je me la suis posée aussi. Disons que j’ai confondu prune et lie de vin sous une lumière électrique….et comme ce molleton de coton n’était pas très cher, j’en ai pris quatre mètres. No comment.)
Quelle que soit l’option que vous choisissez, pensez au rendu final de votre pièce : je ne souhaitais pas avoir un rendu trop rigide, j’ai donc opté pour un molleton plutôt fin. Vous pouvez vouloir quelque chose de plus épais, mais dans ce cas il peut s’avérer utile de réduire un peu l’ampleur sur les côtés comme l’a fait Alice à l’occasion de sa magnifique version en Liberty.
Deuxième choix crucial : choisir entre le matelassage des pièces unes à une après les avoir découpées (choix partiellement suicidaire et stupide que je n’ai pas hésité à faire) ou opter pour la lecture des indications de Géraldine en première page et matelasser les deux tissus ensemble, puis découper les pièces.
Pourquoi mon choix était-il plus périlleux que la seconde option? Vous n’imaginez pas combien j’ai lutté pour que mes lignes de matelasse soient parfaitement raccordées et symétriques sur toutes les pièces. J’ai tout marqué à l’aide de petites encoches et j’ai vérifié que chacune de mes lignes s’inscrivait parfaitement dans le prolongement des autres…autant vous dire que c’est une opération fastidieuse que j’aurais préférée m’épargner. On me l’avait pourtant dit, sur les bancs de l’école primaire, de bien lire la consigne! Et je vous passe le décompte du temps que j’ai passé à couper toutes mes pièces de tissu principal deux fois au lieu d’une (une fois dans le matelassage, une fois dans le tissu).
Allons, il y a quand même un petit avantage à matelasser chaque pièce un à une : c’est moins volumineux que de matelasser 1m40 de tissu. J’en conviens, c’est un bien faible avantage. Bref, lisez la consigne.
Quant au sens et à l’espacement des lignes de matelassage, voilà des questions d’ordre fort personnel : vous pouvez envisager de resserrer un peu plus les lignes de matelassage que je ne l’ai fait, comme chez La Petite Maison Couture (décidément ces Bernadette en Liberty sont magnifiques).
Vous pouvez aussi opter pour un matelassage vertical : si vous cherchez l’inspiration, allez fureter chez Bee Made et sa magnifique Bernadette japonisante ou chez Lola et son incroyable Bernadette fleurette.
Le sens du matelassage peut éventuellement dépendre de votre motif. Il peut être plus esthétique de matelasser verticalement un motif géométrique à dominante horizontale pour ne pas surcharger le motif.
(Notez que j’ai une certaine culture en matières de Bernadette…toutes ces Bernie sont fort jolies et je les ai beaucoup admirées avant de me lancer! Du reste, si vous voulez vraiment admirer de très nombreuses Bernadette, très différentes les unes des autres, il faut rendre à César ce qui est à César…Julie, te voilà donc promue impératrice incontestée du grand peuple des Bernadette).
Pour le tissu principal, j’ai donc utilisé le polycoton au merveilleux motif « À fleurs de peaux » édité par Motif Personnel et Aime comme Marie dans sa déclinaison bleu marine. (Oui, je couds du bleu marine et du lie de vin pendant toute la saison hivernale…mais je me soigne, c’est promis).
Pour la doublure, j’ai utilisé une soie bleu nuit trouvez chez Sacrés Coupons. À force de coudre et de collectionner les tissus, je me rends compte que je finis par avoir des goûts de luxe…que voulez-vous, on est si bien dans de la soie!
Concernant le patron en lui-même, vous le voyez ici sans aucune modification. J’ai été un peu flêmasse…je n’ai pas fait de toile. J’avais eu l’occasion d’essayer Bernadette en 38. Comme elle était un peu trop grande, je l’ai coupée en 36 sans autre forme de procès. La couple ample ne rassurait : je savais qu’au niveau de la poitrine, je ne serais pas engoncée même si un 36 république du chiffon correspond à un 84 de tour de buste. De ce côté là, donc aucun problème. Si l’on n’y regarde pas de trop près, Bernadette en 36 sans modifications me va très bien. Si on tatillonne un peu en revanche, on se rend compte que pour bien faire, j’aurais dû un peu retoucher la ligne d’épaule. Je tenais à insister sur le fait qu’à mon avis ce n’est pas Bernadette qui est mal coupée, bien au contraire… Je trouve que ce patron est merveilleusement conçu. Le problème vient de ma ligne d’épaule un peu tombante, un peu courte… Curieusement, je n’ai pris conscience de mon physique à petites épaules qu’il y a peu. J’étais tellement omnibulée par mes ajustements poitrinaires en tous genres que je n’ai jamais pris garde à mes épaules. Or si l’on fait bien attention, ce que je couds est rarement ajustée au niveau des épaules. Promis, je vais essayer d’être plus rigoureuse sur ce point à l’avenir.
À mes yeux la couture d’un patron République du Chiffon s’inscrit dans une démarche différente de celle d’autres marques de patrons indépendantes. Ils peuvent être un peu plus difficiles d’accès pour une couturière débutante (ou un couturier débutant). Géraldine fonctionne souvent par collection et propose des patrons de difficultés variables. C’est toujours clairement indiqué sur la pochette. Bernadette, par exemple, est notée 2/4.
Je trouve ce classement tout à fait honnête dans l’échelle République du Chiffon : vous pouvez en juger à la simple vue du dessin technique, Bernadette ne présente pas de difficultés majeures (il y a très peu de pièces et chaque pièce a une découpe très simple) Néanmoins, le montage de Bernadette nécessite de savoir comment on pose une doublure. Les étapes de montage sont indiquées et illustrées les unes après les autres mais Géraldine part du principe que vous savez monter une doublure sur le corps de la veste….ce qui n’est peut-être pas encore le cas. Ne paniquez surtout pas et ne renoncez surtout pas! Il faut se jeter à l’eau un jour : aidez-vous de l’étape 11 de l’excellent pas-à-pas photographique que Géraldine a réalisé pour la veste Michelle. Vous allez voir, tout vous paraîtra limpide.
Il est vrai que les patrons République du chiffon vous poussent peut-être à prendre de l’autonomie en couture. Les explications sont moins détaillées que pour d’autres marques. Je ne trouve pas que cela soit forcément un défaut : moi qui adore les explications détaillées de Pauline Alice ou les méthodes de montage pratiques que l’on peut trouver chez Aime comme Marie, ce que j’aime chez République du Chiffon c’est justement de me sentir parfois obligée de lutter un peu, de me voir confrontée à la difficulté. (Rassurez-vous…les difficultés sont tout à fait surmontables jusqu’au niveau 3/4…et dès qu’un patron semble vraiment difficile à Géraldine, elle n’a pas son pareil pour publier des pas-à-pas qui vous réconcilieraient avec n’importe quelle poche passepoilée). Grâce à Géraldine, j’ai donc monté ma première doublure et mon premier col tailleur avec Gérard et j’ai cousu ma première poche passepoilée avec Gilbert. J’ai réfléchi, j’ai cousu, j’ai décousu, j’ai acheté une encyclopédie de la couture illustrée (que je vous recommande….vous pouvez la trouver par ici), et j’ai réussi en utilisant les techniques les plus académiques qui soient.
Dernier point technique : ma version de Bernie est passepoilée : j’ai utilisé un passepoil en simili cuir qui m’a donné un peu de mal dans les courbes. Je ne sais pas si c’est très académique mais j’ai cranté le passepoil au niveau des angles pour me faciliter la vie.
Le nécessaire
Nécessaire | Description | Coût |
---|---|---|
Tissu et fournitures | 1m20 de tissu « À fleurs de peaux » bleu marine en polycoton à 15 euros le mètre (Motif Personnel et Aime comme Marie) 1 mètre de soie bleu nuit de chez Sacré coupons à 15 euros le mètres 1m20 de molleton de coton Bennytex à 4 euros le mètres 250 cm de passepoil simili cuir de l‘Atelier à 2,90 le mètre | tissu principal : 18 euros doublure : 15 euros matelassage : 13 euros Passepoil : 7,25 euros Total : 53,25 |
Bernadette, Patron | Bernadette, patron pochette République du Chiffon | 15 euros |
Modifications | Aucune modification. La version présentée correspond à un 36 | Si vous n’avez jamais monté de doublure, aidez-vous du pas-à-pas de la veste Michelle disponible sur le site de RDC |
Je termine par des excuses. Je sais que plusieurs d’entre vous attendent la suite des tutoriels sur la couture tailleur du manteau Quart. J’y travaille mais je ne veux pas vous les promettre incessamment sous peu. La pression sur ce genre de projets ne me réussit pas et comme je souhaite vraiment vous proposer quelque chose d’utile et de réussi (à mon petit niveau certes, mais ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait, non?), je vais prendre mon temps. Je préfère vous dire que tout sera prêt pour la rentrée de septembre que pour le printemps. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop. En revanche, la suite de l’article sur les tissus et la robe Eliana arrivent vraiment très vite!
Et évidemment je vous quitte en enfonçant une porte ouverte, mais quelle porte!
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Je découvre votre blog et, particulièrement cet article avec beaucoup d’émotion… Il y a 20 ans en arrière (…) j’ai vécue à Dakar 15 ans et, j’ai particulièrement connu Claire Kane à ses tous débuts… J’ai d’ailleurs encore des ensembles de ses premières collections confectionnées à l’époque par mon amie Anne Charlotte Lair, sa chef d’atelier, qui travaille toujours à Dakar dans la création. Merci pour cet article et bravo pour cette veste que j’envisage aussi de faire et, j’avais justement pensé à du wax !
Jolie cette veste, quel chic !
Très jolie!! Tout te vas toujours très bien… Sinon j’ai une petite question, toi qui est savante en tissus: sais tu si, quand on utilise de la ouate au mètre pour molletonner une tissu, il faut la prélaver avant ou si ça ne bouge pas? Merci!!
Très jolie!! Tout te vas toujours très bien… Sinon j’ai une petite question, toi qui est savante en tissus: sais tu si, quand on utilise de la ouate au mètre pour molletonner une tissu, il faut la prélaver avant ou si ça ne bouge pas? Merci!
Elle est superbe cette veste ! La simplicité du modèle met en valeur le tissu matelassé. Portée avec une robe droite, vous êtes très élégante ! Bravo !
Superbe : le choix du tissu, le matelassé et les photos comme d’hab !
quelle élégance!
Je n’ai qu’un seul mot : Magnifique !!!
Encore une très belle pièce de ta garde robe home made. Je trouve que cette veste avec ta jupe fourreau souligne parfaitement ta taille fine. Bernadette est vraiment un superbe patron, bravo à toi !,,
Qu’est ce que tu es jolie dans ta Bernadette et Style total. Jai lu ton article et je trouvé très aboutie l’analyse que tu fais des patrons RDC. J’aime beaucoup le côté réflexif de tes articles. Quand aux imprimés africains pourquoi t’en priver avec la si belle carnation que tu as? Il ya différents tons de tissus et tout le monde peut y trouver son compte. Il est vrai que l’on croise beaucoup de tissus africains aux tons chauds, mais il en existe des gris, des bleus, etc. Il faut juste trouver LE tissu (très souvent un dilemme pour moi aussi)!
Cette veste est très belle, avec des formes impeccables ! Bravo ! Estelle
Bernadette est bien chouette ! Ce patron me donne de plus en plus envie..
Quel chic! parfaite pour la Fashion week milanaise!
Elle est très belle cette veste avec ce motif (qui change du liberty 😉 ). J’en ai une en attente depuis 1 moment (tissus et patron m’attendent bien sagement), mais je n’ai pas encore osée m’y atteler…
elle est magnifique cette Bernadette dans ce tissu! j’aime le contraste entre l’imprimé un peu fou et les coloris et la coupe plus classique. un bel intemporel à mon avis. Je vais finir par craquer sur ce patron tant les belles versions fleurissent.
bella!
elle est top cette veste!!! et ces versions matelassées ma plaisent… ahh!!!!
Et le même problème que toi avec les patrons comme ceux de Géraldine… Si je mets ce type de vêtements, on a l’impression que j’ai pris 15kg d’un coup ou que j’ai volé un parachute
Tu es très élégante avec cette petite veste ! Et pour le reste, prends ton temps, on va survivre. Tu as une vie, tu as des projets (que j’ai hâte de découvrir perso) alors le prochain billet sur le manteau Quart, on le lira quand il sera prêt, voilà tout 😉 Et puis je suis certaine qu’il sera super intéressant. Une telle qualité demande du temps.
Généralement, je fuis ce type de motif par peur d’être vulgaire. Mais ici, quelle belle adéquation entre le tissu et la veste ! Et quelle classe sur ces photos ! Bravo.
Tu es d’une élégance folle avec cette petite veste Bernadette et ta jupe fourreau!!! J’aime beaucoup ce modèle de veste tellement simple et efficace.
Waouh ! Quelle belle « petite » veste ! Je n’aimais pas trop ce tissus sur motif personnel au début, mais là avec ta version de la Bernadette ça change tout… Et avec le fleurissement de ces Bernies matelassées, j’ai tout commandé pour faire la mienne, hâte de m’y mettre (en tout cas c’est dingue comme toutes les blogueuses peuvent me faire changer d’avis, il y a deux jours je disais encore que j’aillais stopper la cadence niveau vestes…)
C’est ravissant ! Tu as tapé dans le mille avec ce tissu.
Et ravie d’être la première à commenter pour une fois 😛
Vraiment, je l’ai attendu cet article et WAHOU ! Elle est magnifique cette petite veste. Je ne regrette absolument pas de m’être fait ce plaisir à l’AEF !!! Je suis en pleine recherche de tissu, je suis invitée à un mariage fin juin et j’aimerai me faire une jolie robe corail (sûrement la Georgina de RDC) avec une Bernadette en Liberty assorti… Mais bon, quand on sait ce qu’on veut c’est toujours difficile de trouver… En tout cas merci pour ce bel article. C’est toujours un réel plaisir de te lire 😉