Blouse #8 : L’indécise… jusqu’au bout

Si vous saviez comme j’ai erré! Parfois…la plupart du temps même, certains projets tombent sous le sens : il suffit d’un bout d’étoffe, d’un détail dans le dessin du modèle, d’une silhouette entraperçue pour avoir à l’esprit immédiatement, précisément et définitivement l’image de ce que l’on veut réaliser. Ces projets là sont pourtant les plus risqués car partir de l’idéal pour en venir à la réalité, c’est quitter les rêveries pour réaliser, c’est prendre le risque du désappointement, c’est abandonner le fantasme pour insérer  la silhouette fugace dans la routine immobile.

Sans doute Marisa m’a-t-elle jeté un sort quand elle m’a annoncé le nom de son futur patron. Murmurer le nom de l’Indécise, prononcer la parole performative sans précaution, voilà sans doute mon erreur! Je ne m’étais pas plutôt réjoui de ce joli nom que je me trouvais jetée dans les affres de l’hésitation. Et j’ai fait ce que l’on fait de mieux lorsque l’on est indécise…j’ai procrastiné avec constance.

D’abord j’ai fait ma toile. Parce que je n’étais pas toute seule dans l’affaire…Je n’allais tout de même pas attendre l’idée géniale pour prévenir Marisa si je tombais sur un os. Et puis j’ai pensé que ma morne toile aurait le mérite d’être immaculée et propre à l’inspiration…mais non, l’angoisse de la toile blanche s’est installée en personne sur mon impassible mannequin. Oh j’avais bien quelques idées : c’était même mon principal problème. J’avais tant et tant d’idées qu’aucune ne m’enchantait.

Nous voilà une semaine avant la sortie du patron et j’avais successivement envisagé pour l’Indécise une soie fleurie, un jersey cashemire, un plumetis passepoilé, une cotonnade et du cuir, une double gaze un peu abstraite, un mélange lin et laine orageux… j’en passe sans doute.

Sans doute ces idées là n’étaient elles pas si mauvaises mais je n’arrivais pas à m’y faire : non vraiment, je ne tenais pas ma première version. Alors j’ai tenté le coup de poker, le truc improbable, la sortie de route : j’ai décidé que si aucun tissu ne me convenait vraiment pour l’Indécise, c’est que le tissu de mes fantasmes n’existait pas encore. Il fallait prendre les paris.

Si étrange que cela puisse paraître, jusqu’alors je n’avais jamais cousu de tissus Atelier Brunette. Je les trouvais fort jolis ces tissus couleur pastel de la collection printemps été mais je n’avais pas trouvé de projets pour eux. Et pourtant, je savais que les viscoses automne/hiver devaient être présentées incessamment sous peu. J’ignorais la date de sortie des tissus (même si je pressentais que c’était pour tout bientôt), je ne connaissais rien de leur tombé, je n’avais aucune idée du motif qui les caractériserait, bref, j’entrais en terra incognita. Qu’importe, puisque ces tissus n’existaient pas encore, c’était sûrement eux que j’attendais pour mon Indécise.

Quatre jours avant la date fatidique, voilà que les viscoses sont annoncées! Je n’ai pas réfléchi, je n’avais plus le choix : il me semblait bien que j’aimais ces motifs si graphiques mais je n’étais pas certaine, étaient-ce bien eux qui allaient convenir à l’Indécise?   Je me suis rendue sur le site d’Atelier Brunette, j’ai choisi l’association de couleurs qui me plaisait le plus sans trop réfléchir et j’ai attendu.

Quand ma viscose Facet est arrivée, je l’ai trouvée bien jolie mais je ne me rendais pas bien compte de toutes ses vertus. Pas plus du reste, que je ne me rendais compte des vertus de l’Indécise. Et pourtant à partir de ce moment là, ce sont le tissu et le patron qui ont dicté leur loi et je crois que cet étrange mariage de fortune est l’un des plus réussis qu’il m’ait été donné  de célébrer jusqu’à maintenant!

Je crois qu’avec l’Indécise, Marisa a définitivement affirmé son style. Il y a une patte experte derrière ces lignes épurées, il y a un vrai travail sur les contours de la blouse, sur son tombé délicat et cintré. Il y a une élégance nonchalante et mutine dans cette patte polo, dans ce dos froncé, dans ce col Claudine délicat, dans cette encolure dénudée et dans ces poignets découpés. Les découpes de l’Indécise sont courbes, épurées, très douces mêmes. En revanche, le motif du tissu Facet est acéré, graphique, répété, agressif presque. Les couleurs sont froides et tranchées. Il y avait un peu du Ying et du Yang dans cette histoire …qui me semble-t-il n’a pas mal fonctionné.

La fluidité de la viscose Facet m’a permis de me rendre mieux compte de l’énorme travail fourni par Marisa sur le dessin du patron. Je trouvais que l’allure de l’Indécise coulait de source et  j’étais toute contente de la voir prendre vie ainsi.

Si j’en viens au patron lui-même, je voudrais préciser avant toute chose qu’il s’agit d’un patron un peu plus complexe que les précédentes créations de Marisa. Pour vous faire une idée,  je conseillerais  la robe Estivale à un-e débutant-e, la blouse La Joueuse à un niveau Intermédiaire I et la blouse chemise L’Indécise à un niveau intermédiaire II. Il me semble du reste que Marisa a ajouté un classement par niveau à ces patrons et que cette dernière est classée niveau ¾. Cela dit, si vous avez commencé à coudre récemment et que vous avez déjà cousu les précédents patrons de Marisa, la progression est naturelle et ne devrait pas vous effrayer.

La vraie difficulté de ce patron réside dans la patte polo : une patte polo, ce n’est pas si compliqué lorsque l’on en a bien compris le principe, mais il faut rester concentré-e et minutieuse d’un bout à l’autre de sa réalisation car l’erreur et le manque de précision ne pardonnent pas.

En revanche n’ayez pas d’inquiétude sur le col Claudine qui se pose très simplement, de la même manière que sur le chemisier l’Impertinent. 

Pour le reste l’Indécise est une affaire de choix : manches courtes ou manche longues, passepoil ou non, patte polo contrastée? vous voilà prévenue, vous allez devoir hésiter!

Dans mon cas, j’ai décidé de passepoiler le col pour bien le souligner malgré mon motif chargé et l’empiècement dos. J’avais aussi décidé de passepoiler les poignets pour les mêmes raisons, mais une fois de plus j’ai fait preuve d’une étourderie sans faille. Je suis si habituée à coudre des chemises que j’ai procédé de la même manière et j’ai passepoilé la couture joignant les manches aux poignets de manches. Voilà une démarche complètement stupide : en effet, dans le cas de l‘Indécise, les poignets sont faits pour être repliés sur la manche afin de mettre en valeur la découpe arrondie de leurs bords….on ne voit donc pas la couture que j’ai passepoilé et il aurait été bien plus pertinent de souligner au passepoil les coutures arrondis du bord  que la jointure manches-poignets!

Afin d’avoir des finitions propres à l’intérieur, outre les habituelles coutures anglaises et la pose de biais sur les emmanchures, j’ai doublé l’empiècement dos : comme j’avais posé du passepoil cela permettait de cacher le passepoil en sandwich entre les deux épaisseurs de tissu et de n’avoir aucune couture visible sur l’envers.

Enfin, dernière et classique modification pour moi, j’ai procédé à un ajustement pour forte poitrine.

A titre comparatif, j’ai choisi une taille S chez Marisa et je fais encore et toujours 91 cm de tour de buste, 66 cm de tour de taille et 89 cm de tour de hanches. J’ai respecté à la lettre les mesures prévues pour les marges de couture (à ajouter) de 1cm pour les coutures et de 3cm pour les ourlets.

Mon seul regret est d’avoir cousu le passepoil de l’encolure à la machine contrairement à ce que je fais d’habitude (je les couds plutôt à la main) : en voyant les photos je trouve que cela marque trop et je pense défaire le biais et le reposer.

Et le tissu alors ?quand je l’ai reçu j’étais contente…depuis que je l’ai cousu, repassé, porté et lavé, je suis émerveillée. Il est rare qu’une viscose soit facile à coudre. Il est encore plus rare qu’elle soit facile à repasser. En outre, derrière le mot viscose se cache souvent tout et n’importe quoi, et il arrive que l’on fasse l’acquisition d’une viscose certes jolie mais qui s’avère rapidement importable tant elle vous fait – littéralement- suer. Dans le cas de ma viscose Facet, non seulement j’ai pris beaucoup de plaisir à la coudre car malgré sa grande fluidité, elle est restée très stable à la coupe, à la couture et au repassage, mais en outre, je suis enchantée à chaque fois que je la porte. Elle est très agréable et tient suffisamment chaud pour l’hiver sans que l’on se retrouve dans le caladium des thermes de Caracalla. Dans mon cas donc, cette première acquisition chez  Atelier Brunette (qui appartient à Anna Ka Bazaar) est très réussie.

Le nécessaire

Nécessaire	Description	Coût et niveau de couture
Tissu et fournitures	1m50 de viscose Facet par Atelier Brunette (19,90/ mètre) 200 cm de biais (90cts/mètre) car j’ai aussi posé du biais sur les emmanchures 50 cm de thermocollant (2,50 le mètre) 3 mètres de passepoil (80 cté/mètre)	36 euros environ
Patron	L’Indécise de MLM Patrons La vraie difficulté de ce patron réside dans la minutie avec laquelle il faut poser la patte polo pour que celle-ci soit réussie.	5 euros en version pdf ou 13 euros en version pochette
Modifications	Un ajustement du buste normal dans mon cas. J’ai doublé l’empiècement dos pour cacher la couture passepoil sur l’envers

Je termine cet article en présentant mes excuses aux Italien-ne-s qui pourraient s’aventurer par ici : j’ai vraiment envie de traduire, au moins en partie mes billets dans cette si jolie langue que j’apprends tant bien que mal mais en ce moment je manque de temps. Lo prometto, sto cercando una risoluzione per scrivere un po’ nella vostra lingua! A presto

Je vous laisse avec l’extrait d’un film qui s’appelle les Dimanche de Ville d’Avray…pas grand chose à voir avec la choucroute…si ce n’est le lieu où sont prises les photos du jour!