Al’ombre de ma machine à coudre, je passe souvent par tous les états du quotidien….et parfois, je couds dans la mélancolie d’une journée de printemps claire-obscure. Il n’y a jamais de drame, il n’y a rien de grave, mais simplement une solitude douce-amère et un esprit vagabond vague à l’âme. Cette seconde blouse Carme, je l’ai cousue entre deux eaux, entre un air d’harmonica lancinant et une valse de Chopin langoureuse. Allons, ne comptez pas sur moi pour célébrer les petits oiseaux ce coup-ci : vous êtes passés par ici et bien il vous faudra subir le Carme blues.
La langueur en couture annonce les désastres. Avoir l’esprit flottant quand on coud des plis religieuse vous expose aux pires errances couturières. J’ai pris mon temps pour dompter cette viscose de coton très « vivante » : ma bombe d’amidon était vide, j’ai donc marqué les plis au fer, un a un, pendant plus de deux heures, prenant garde à maintenir mes lignes droites, strictes et parallèles. Quand ce fût fait, j’ai découpé mon plastron….mais sans y prendre garde j’avais dû réimprimer le patron du plastron à la mauvaise échelle. Ma pièce était donc trop petite par rapport au reste du patron. Qu’importe. Mélancolique comme j’étais, cela a suscité chez moi deux ou trois haussements d’épaules mais j’étais du genre résignée.
J’ai donc recommencé à plier. Religieusement toujours, mais peut-être un peu moins soigneusement : dans un éclair de lucidité, j’avais fini par admettre que choisir un motif aussi chargé pour une blouse à plastron aller rendre à peine perceptible les plis qui font le charme de cette blouse. Mélancolique pour mélancolique, réaliser que mon choix de tissu pour ma blouse Carme était stupide, ne me fit ni chaud ni froid.
Vint l’étape de la patte de boutonnage.
Si cette étape ne m’avait causée aucune difficulté lors de la couture de ma première blouse Carme, il en alla différemment la seconde fois. Après avoir regardé sans y faire attention les excellentes vidéo de Pauline Alice sur le sujet, après avoir lu sans y prendre plus garde les instructions pourtant limpides…j’ai évidemment cousu ma patte de boutonnage à l’envers et ne m’en suis rendue compte qu’après avoir cherché à plier ma patte au fer comme sur le schéma pendant près d’une heure sans y parvenir. J’ai donc décousu…sans même soupirer. La pièce était trop abimée et il a fallu en couper une autre et recommencer. Recommencer encore, recommencer toujours, cela n’a vraiment aucune importance quand, avec une certaine complaisance, on se laisse aller à broyer du noir.
La couture de cette blouse a continué à ce rythme. Plutôt que de surjeter les bordures de côté, j’ai fait de belles coutures anglaises, pour le plaisir de rêvasser tristement au rythme des bouffées de vapeur du fer à repasser.
Si la couture du col s’est passée sans encombres, j’ai retrouvé le fil de mes errances au moment de coudre les boutons. Au clair-obscur, on ne distingue pas bien la différence entre le bleu nuit et le noir : j’ai donc choisi et cousu six boutons bleu nuit que j’ai pensés noir jusqu’au prochain coup de soleil. Et parce que cette fichue étoile a fini par se repointer par ici, il m’a bien fallu admettre que je m’étais encore trompé. J’ai donc recommencé.
Miraculeusement, les boutonnières se sont passées sans accroc : sans réfléchir, j’ai collé un bout de scotch sur ma patte de boutonnage. Note pour plus tard : cette technique fonctionne très bien pour stabiliser la viscose. Mes boutonnières sont parfaites….pour une fois.
En matière de tissu vivant, cette blouse a du reste était l’occasion d’une seconde découverte. J’ai utilisé la technique recommandée par Pauline dans ses vidéos pour faire un ourlet très étroit : j’ai bâti la ligne de pliure à 5 millimètres avant de faire mon ourlet. Habituellement ce n’est pas évident de réussir un ourlet arrondi et à plus forte raison quand on manie une soie, une mousseline ou une viscose. En utilisant cette technique, mon ourlet était aussi ravissant que mes boutonnières…mais comme j’étais mélancolique, je me suis contenté d’esquisser une moue satisfaite et un haussement d’épaule bien senti.
Attention, ne vous fourvoyez pas, ce n’est pas parce que j’ai vu la vie en noir et blanc pendant la couture de cette blouse que je ne demeure pas une inconditionnelle de ce patron de Pauline Alice. Je vous avais dit tout le bien que j’en pensais après ma première version : je suis toujours aussi enchantée après ce deuxième essai. Cette fois-ci j’ai pu suivre toutes les vidéos que Pauline a postées (disponibles en français, en anglais et en espagnol) à l’occasion du sew-along et cela a une nouvelle fois été l’occasion de beaucoup apprendre.
Malgré son manque de lisibilité, je ne regrette pas vraiment le choix de mon tissu : je trouve qu’il donne une petite touche graphique à ma blouse mélancolique. Ce n’est pas l’avis de Monsieur mon mari. Je lui pardonne son absence de goût et je l’aime quand même. J’espère qu’il sera rassuré.
Le nécessaire
Nécessaire | Description | Coût |
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Tissu et fournitures | Une viscose trouvée chez Sacrés Coupons à 9 euros le métre Six boutons noir de la mercerie d’à côté | 22€ |
Patron | La blouse Carme de Pauline Alice | 8€ |
Modifications | Un ajustement pour forte poitrine |
Parce que j’aime beaucoup ce patron et que ma viscose m’enchante, je laisse tomber ma mélancolie et j’attribue à ce projet une excellente note. Déjà beaucoup portée, ma blouse me plaît. Ca y est! Je sens revenir l’enthousiasme….mais bon n’allez pas croire, Chopin, vous n’y couperez pas! Et,rien à voir avec la choucroute mais j’entre à rebours dans la modernité en créant une page facebook pour celles ou ceux qui préfèrent suivre ce qui se passe ici par ce biais là. Meglio tardi che mai!
Hey mais je n’étais pas passée par ici !! Ta blouse est drôlement jolie et réussie dis donc malgré toutes les embuches… Pour le motif c’est vrai que pour cette blouse j’étais jusqu’a présent plutôt « contre » les tissus qui au final vole un peu la vedette à tous les petits détails de cette blouse… Mais là non j’adhère tu me fais changer d’avis ! D’ailleurs pour ma deuxième j’ai une mousseline noire à pois peut etre que….
Je la découvre vraiment réussie, cette blouse, malgré le blues qui t’a porté pendant sa couture (car il t’a porté quand même, pas vrai ! vu le résultat), et plus encore que la première. Ce tissu vivant lui va si bien à cette blouse ! Je m’y suis mise aussi, elle est un plaisir à coudre, accompagnée par les vidéos de Pauline. Et encore un si bel article !
Tu as toujours le chic pour dénicher THE tissu. Celui-ci ne fait pas exception. J’A-DO-RE ! Tu me donnes envie de ressortir mon patron pour une seconde version de Carme. Pour le coup de blues, j’ai comme l’impression qu’il s’est envolé. Bisous.
Mais elle est magnifique cette blouse, allons, allons, pas de quoi avoir le blues.
Des plis discrets mais un si joli tombé… une de mes préférées pour le coup!
Merci! C’est bête mais je n’avais pas trop l’habitude de coudre de la viscose…c’est une de mes découvertes du moment;)
Toujours un plaisir de te lire…tu écris si bien….toujours un plaisir de regarder…tu photographie si bien….Toujours un plaisir tes coutures, même avec un peu de blues ( j’aime ce mot par ailleurs, un joli mot…)…Instagram, c’est pour quand ?
Merci Nath! Quant à moi je suis une de tes éternelles abonnées sur IG merci merci encore pour les photos de tes vacances qui m’ont fait tant plaissir!
Que cette mélancolie reste un trésor, car je pense que je ne serais pas la seule à avoir un vrai coup de coeur pour cette blouse, tant pour le côté graphique que pour la coupe. Elle est vraiment ravissante…
Merci Polina! A force de les fréquenter, on s’entend pas mal, la blouse, le blues et moi;)
En te voyant avec lors du vide atelier, je n’imaginais pas tant de souffrance elle est superbe cette blouse, j’ai bien envie de me la faire aussi mais j’ai tellement de projets en tête…
Très chouette cette blouse en version fluide!! Vraiment très réussie, et si la version classique est très jolie mais pas forcément en accord avec le reste de ma garde-robe (quoique…), je suis très tentée par une Carme dans une jolie viscose! Et au passage, ton tissu est très joli, quoiqu’en dise Monsieur! (ce ne serait pas la blouse que tu portais au vide-atelier?!)
Je découvre grâce à ce post tous les tutoriaux mis en ligne par Pauline Alice (et en plus tu en dis du bien… et en plus, ils sont traduits !). Moi qui manque cruellement de savoir-faire technique, je crois que je vais aller m’y plonger tout entière. Merci pour la découverte (et bravo pour cette blouse – j’aime beaucoup, moi, le tissu choisi !)
Le résultat de cette blouse est superbe bravo. Et la lecture de toutes les étapes est très instructive, merci!
Chez moi, le blues de la couturière, s’accompagne de la contrainte d’un temps à consacrer à la couture réduit, et ça ne fait pas bon ménage. Alors je laisse en plan les projets. Je t’admire de ne pas lâcher dans ces moments. Et en l’occurrence le résultat en valait le coup ! Elle m’a tout l’air d’être un bonheur à porter ta Carme !
Je la trouve tellement belle cette blouse! Le tissu plus fluide et l’imprimé noir et blanc lui donnent une allure actuelle et relaxe. Ta description du blues en cousant dans « une solitude douce-amère et un esprit vagabond vague à l’âme », c’est tellement ça parfois la couture. Et c’est tellement l’esprit de Chopin. Des moments précieux que j’adore… Encore bravo pour ce texte magnifique et les trucs du métier (scotcher l’emplacement des boutonnières, je n’y avais jamais pensé. L’idée est géniale!).
Quand j’ai vu le premier modèle, je me suis dit : mais on voit même pas les plis religieuse. Tu as bien fait d’en faire une autre mais pour moi je trouve ce corsage un peu trop près du corps, il mériterait peut-être être plus ample. J’ai un grand faible pour ta veste Yellox Mellox mais quand je vois les boutonnière passepoilées, oh là là et que tu les réussis si bien – j’ai beau avoir un bouquin d’explications, rien ne vaut la démo par une professionnelle. Quand je pense que j’aurais pu prendre des cours lorsque j’habitais une grande ville, je m’en veux terriblement. En tous cas, bravo pour ton travail. Je trouve que les femmes qui font de la couture sont joyeuses et heureuses !
T’as failli me mettre un gros coup de blues !!! ;b très chouette cette blouse !
Je dois t’avouer que j’ai eu un gros coup de cœur sur ta Carme blouse, qui plus est lorsque je l’ai vue portée sur toi! Ta version est une beauté! Cette viscose …quelle merveille; elle est parfaite pour ce patron! Bref, j’ai commandé le patron la semaine dernière et j’ai cousu mes premiers plis vendredi soir. Ah, la couture nous offre parfois cette belle introspection, qui peut être un brin mélancolique et qui se prolonge jusqu’au bout de nos doigts. J’aime ces moments loin de la cohue du quotidien… Ton article est magnifique et tellement vrai
Je viens de terminer une robe avec beaucoup des soucis Donc je comprends ton etat d’esprit. J’adore le resultat et j’espère que tu en feras une autre
J’ADORE !! Vraiment je la trouve superbe et elle te va parfaitement ! J’aime beaucoup l’autre version aussi mais bien moins que celle-ci. Ton tissu la rend toute légère et on l’imagine flotter légèrement sous une petite brise en bord de mer… Wahou, que j’aime cette réalisation…!!! Et j’ai aperçu la petite Moneta sur IG… re-wahou… Vivement les prochains articles !
Tellement jolie cette blouse, et encore une fois superbement réalisée. J’espère que la porter ne te rappellera pas ta mélancolie ou les moments douloureux. La bise
Malgré toutes les difficultés que tu as rencontrées dans la confection de cette blouse ; le résultat n’en reste pas moins parfait ! Ta blouse est sublime… !
Je la trouve très jolie. ..n’importe pas le motif. Et peut-être la mémoire de coudre cette blouse et la mélancolie de la journée deviendra une sorte de trésor…
Ta blouse est joliment réussie, vraiment ! Et malgré toute cette mélancolie, le résultat est pétillant Annie
Dur dur quand tout ne se passe pas comme prévu, mais le résultat est vraiment sympa, et je retiens la technique du scotch pour les boutonnières, j’en ai 6 à faire dans de la viscose demain, je tremble déjà devant ma machine sans boutonnières automatiques…
C’est un peu triste tout ça ! Pourtant cette blouse est bien guillerette, et vive comme une anguille ! J’espère que ton projet du moment te fait danser la salsa …
Ahah…on raconte que la salsa se danserait fort volontiers avec une petite robe Moneta;)